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Etant soignante depuis 2000 dans une structure qui propose différentes activités thérapeutiques corporelles et physiques, sur prescription médicale, je suis plutôt familiarisée avec les médiations corporelles et je vais définir ici quelques grandes lignes qui en caractérisent le cadre, tel que je le conçois dans ma pratique quotidienne. Je me suis inspirée, pour ce faire, de l’article de Philippe Gabbaï [Gabbaï Philippe « les médiations thérapeutiques » in Santé mentale n° 111 Octobre 2006. P. 24 à 28.], neuropsychiatre qui résume bien la chose :

1) La nécessité de cadre :

Avec l’expérience, on s’aperçoit que le chaos, l’inorganisation, l’improvisation n’ont guère d’effet thérapeutique. De même, il ne suffit pas de proposer une régression ou une relation pour qu’elle soit facteur de changement, ou d’évolution. Les démarches dans toutes les thérapies psychocorporelles ou fortement régressives, contenant une dimension archaïque comme la TAC, donc ces démarches doivent être régies par un cadre.

Ce cadre et ses règles concernent tout à la fois la médiation et le thérapeute/soignant.

Il doit apporter la sécurité primaire propre à toute démarche thérapeutique.

Cette sécurité est apportée par l’enveloppement par les soins, ou la technique utilisée, par les paroles, les attitudes, le climat. Il faut aussi que le cadre soit capable de faire face, de contenir les attaques inévitables du patient au-delà de ses fonctions de sécurisation. En TAC, il me semble important que le patient se rende compte que non seulement le cadre, mais aussi le médiateur, le cheval puisse faire face aux attaques. Je tiens à préciser, ici qu’il s’agit plutôt d’attaques au sens figuré, car il est totalement exclu que le cheval se fasse blesser de quelques façon que ce soit. Il appartient au thérapeute de protéger l’animal, il est garant de la sécurité de chacun des partenaires du triangle thérapeutique, et ceci au plus haut niveau. Donc les attaques seront verbales, ce seront plutôt des projections faisant partie du processus thérapeutique.

Le cadre va avoir ici fonction de faire ??? au sentiment de toute puissance du sujet, déclenchant frustrations et désillusions. Le cheval va être perçu comme réel et sa résistance même va relancer l’agressivité.

On peut entendre par « résistance » du cheval, le simple fait qu’il reste lui-même, il est ce qu’il est sans états d’âme, il ne réagira que par rapport à son propre système de vie. Ici nous atteignons les limites de la médiation animale ; et c’est un principe que le patient devra respecter, intégrer. Le cheval n’est pas « utilisable » comme une poupée de chiffon que le sujet peut détruire. Par contre, cette idée de Winnicott concernant le cadre, et qui pose l’hypothèse que l’enfant doit pouvoir faire l’expérience que sa mère survit à ses attaques, sinon il se noie dans la culpabilité, est tout à fait transposable au rapport sujet/thérapeute. Là le sujet peut faire l’expérience à la fois de la disponibilité du thérapeute et de sa capacité de survie aux agressions puisque lui, peut doser l’assimilation du négatif venant du sujet.

Les attaques du cadre et du médiateur sont d’autant plus fortes, que le sujet percevra que le cheval est également investi par le thérapeute. Le jeu d’attaque, résistance, survivance permet que s’installe une vraie relation, gage d’une réelle croissance psychique. Cela nous fait penser à la théorie de Bion concernant la fonction alpha, où le cadre contenant serait chargé de transformer en éléments alpha tolérables tous les contenus destructeurs projetés par le sujet dans l’objet, ou ici, dans le cheval.

Le cadre organise aussi le positionnement du soignant. En effet le danger le plus présent, surtout avec des patients très désorganisés, souvent limites de la pathologie psychopathique omnipotent, est la fusion. Il faut donc introduire de la distance : distance nécessaire pour supporter non seulement les attaques (et y survivre) mais aussi pour rester disponible et non envahis par le patient, pour éviter d’être séduit ou de séduire le patient.

Le maintien de cette distance implique une attention très grande vis-à-vis des phénomènes contre transférentiels, surtout dans les thérapies parfois régressives, ramenant à un archaïsme brut des deux cotés. Là, la distance est plus difficile à maintenir, alors que précisément elle n’en est que plus nécessaire.

2) Elément constituant le cadre :

D’autres règles organisant ce cadre de la médiation, sont garantes du bon déroulement de l’activité :

L’activité doit être inscrite en référence à la loi : ainsi, elle doit être prescrite sous la responsabilité de la personne garante des soins de l’institution : (ici le médecin).

Cette prescription, est le fruit d’une réflexion collective et sera signifiée au patient afin que s’établisse un contrat. Il est également important de verbaliser ce qui est prescrit, d’expliquer le cadre, de présenter les thérapeutes, les lieux, les partenaires de cette thérapie (chevaux par exemple)...

La régularité de l’activité est fondamentale.

Il faudrait donc en préciser les horaires, la fréquence et les arrêts, s’ils sont prévisibles ; ceci dans les situations idéales, bien sûr ! Nous verrons par la suite que la question du temps consacré à une thérapie mérite réflexion, et que ce facteur temps est souvent un frein.

La permanence des lieux est importante,

en effet, la répétition du cadre « spatial » est une sécurité mais aussi un témoin de la survivance du cadre. S’y rajoutant : la permanence du matériel, l’interdiction de porter atteinte à l’intégrité physique ou psychique émotionnelle de l’animal. De plus toute modification du cadre est réfléchie, expliquée au patient.

La permanence des participants :

(Soignants et soignés). Le ou les thérapeutes doivent se trouver en nombre limités, toujours les mêmes, intervenant si possible dans une succession-pré établie. Je pense ici au travail en binôme que j’effectue avec une collègue ergothérapeute. S’il est vrai que les prises en charge à deux ont cet avantage d’être moins lourdes à porter ; (on peut se relayer si on se sent bloqué dans une situation à priori sans issue, l’activité se poursuit en cas de congés de l’une ou de l’autre...)... cela pose aussi la question de la qualité des phénomènes transférentiels et contre-transférentiels. Ils risquent d’être « dilués » ou au contraire concentrés des réactions du genre « bon objet / mauvais objet – bon soignant / mauvais soignant) que j’ai souvent remarqués, surtout dans les pathologies de « l’agir ». Les participants sont aussi ceux qui sont « inscrits » dans l’activité, et nul ne peut s’y rajouter sans prescription, ni explication. Ainsi, on peut aussi « parler » les absences...