L’éthologie, histoire naturelle du comportement
Jean-Luc Renck et Véronique Servais

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Résumé des page 1 à 63:historique de l'éthologie (Aline Roth)

Introduction

L’étude du comportement animal est souvent perçue et critiquée comme une activité facile consistant en un recueil d’observations.

L’éthologie," approche naturaliste, biologiste, de toutes les activités qu’un animal peut manifester," a été établie en science indépendante entre 1930 et 1950.

Nous partons actuellement de l'hypothèse de Konrad Lorenz, qui, dès 1935 avançait que les comportements caractéristiques de chaque espèce animale, auxquels on admettra un fond héréditaire ; doivent être compris dans une perspective évolutionniste et comparative, en terme de filiations, de divergences évolutives, d'adaptations.

Pour comprendre les comportements des animaux, une seule science n’est pas suffisante, les neurosciences ou le biologie moléculaire sont également d’une importance certaine, tout comme l’endocrinologie, l’écologie, la paléontologie, la psychologie cognitive...

Ainsi, pour comprendre un comportement, plusieurs regards sont nécessaires.

Certains éthologues ont souhaité généraliser le comportement animal, d’autres ont souhaité étudier des groupes zoologiques particuliers ( ornithologues, mammalogistes, primatologues... ).

L’éthologie apparaît donc insaisissable, par son histoire, par son champ d’étude et par ses chercheurs.

Première partie : Un itinéraire historique

1. Une science millénaire ?

Les écrits de vulgarisation de Buffon ( 1707-1788 ) ont eu grand succès mais sont basés sur des témoignages recueillis dans les limites logistiques de son temps. Aujourd’hui, les personnes rendant compte des comportements d’animaux sauvages ont la tâche bien plus facile grâce à la circulation du savoir, ainsi qu’aux outils techniques et informatiques.Surtout, les chercheurs se déplacent pour observer les animaux sur le terrain,alors que pendant longtemps on ne les connaissait qu'en cage.

Les animaux qui naissent avec des traits facilitant l’adaptation à leur environnement auront plus de chance de survivre et transmettront ces traits héréditaires. Des espèces différentes peuvent avoir des caractéristiques fondamentales similaires car elles découlent d’une même espèces ancestrale, alors que les caractéristiques distinctives montrent qu’elles se sont chacune adaptées à des conditions de vie différentes.

L’évolutionnisme a donné un vrai sens aux observations de l’anatomie comparée et a fourni un cadre à une approche biologiste des comportements.

Cette approche expérimentée par Darwin à été ignorée dans un premier temps au profit d’approches philosophiques .Erigée en discipline l' "éthologie" n'a percé qu’au XXe siècle.

Dans les temps anciens, avant Darwin et Wallace, existaient déjà des observateurs compétents des conduites animales. Des connaissances fiables sur les animaux qu’ils domestiquaient ou qu’ils devaient redouter étaient nécessaires.

Les premières civilisations avec Platon ( 428-347 avant J.C.) et Aristote ( 384-322 avant J.C.) observaient les animaux à des fins pratiques, magiques ou théologiques :

les hommes, à cause de la crainte qu'ils ont de la mort, calomnient les cygnes, prétendent qu'ils se lamentent sur leur mort et que leur chant suprême a le chagrin pour cause ; sans réfléchir que nul oiseau ne chante quand il a faim ou froid ou qu'une autre souffrance le fait souffrir (Socrate).

Aristote fonda la zoologie et fit nombre d’écrits. Il n’a pas été égalé avant bien longtemps et fut copié durant XIX siècles. Il postulait une continuité entre les organismes, une grande "chaîne des êtres" qui l'a engagé à une approche comparative des comportements.

La civilisation arabe, en entrant dans le Moyen-Âge, fit traduire Aristote et ne cessa durant les siècles suivants de rappeler à l’Occident l’oeuvre d’Aristote, référence absolue. Plus tard, Descartes, qui, aujourd'hui encore, influence profondément les Français, donne vigueur à une conception de l'animal conçu comme une simple mécanique, notion que l'on retrouve encore aujourd'hui.

Lors de la Renaissance, des naturalistes se sont intéressés à l’étude du comportement animal.

John Ray ( 1627-1705 ), par exemple, qui était un pasteur, fut considéré comme l’un des fondateurs de la zoologie moderne. A cette époque, on voulait croire que la nature révélait un peu du grand Horloge ; et du Diable aussi ; mais Ray ne put jamais regarder batraciens reptiles et autres insectes comme des œuvres diaboliques.

Dans les années 1700, les explorations à vaste échelle se multiplient et on découvre continuellement de par le monde de nouvelles espèces. En particulier Buffon ("l'Histoire naturelle") est l'auteur de nombreuses recherches, mais des recherches en cabinet. Leroy, un contemporain, sera par contre un "naturaliste de terrain": il put observer les phénomènes d'adaptation chez les animaux, avec des conséquences directes sur leurs aptitudes à l'apprentissage….il fustigeait les philosophes qui prétendaient que tous les représentants d'une même espèce étaient d'un même moule, avec des conduites immuables.

Il pouvait observer, sur le terrain, et sur un grand nombre, les changements de comportements dont les animaux étaient capables en fonction des circonstances dans lesquelles ils se trouvaient.

2. Le double legs de Charles Darwin

Contrairement à leur contemporain Lamarck, fondateur de la théorie de génération spontanée, Darwin et Wallace ont bouleversé la manière occidentale de voir le vivant, avec l’idée que si l’on ne tient pas compte des filiations entre espèces, des ascendances communes, ainsi que des transformations sous l’effet d’une sélection naturelle, il n’est pas possible de comprendre l’anatomie des organismes et leurs comportements.

Darwin a défendu l'idée de la transmission par les parents à leurs enfants de comportements acquis par leur propre expérience…ce qui se serait inscrit dans un patrimoine héréditaire pour devenir un réflexe. Ainsi, il fait remonter les mœurs des coucous de pondre dans un nid étranger à une ponte accidentelle adoptée comme un usage par les générations suivantes.

Darwin explique qu’il faut étudier les primates, nos proches cousins, afin de retracer l’histoire animale de comportement humain, qui est l’aboutissement d’une longue évolution.

Darwin compara alors les émotions exprimées chez l’homme et chez l’animal. A sa suite, Romanes va créer la mode de l'anthropomorphisme, en voulant expliquer les comportements animaux par des processus mentaux inexplicables à l'époque : il lance alors la recherche dans une impasse dans laquelle elle s'enlise au XIXe et une partie du XXesiècle. Ex: voir p.51 l'histoire de l'étalon de W.Von Osten qui aurait fait des opérations d'arithmétique prenant le contre-pied. J.Loeb, étudiant la médecine, a l'ambition d'expliquer toutes les actions humaines, même les plus nobles, par des mécanismes élémentaires : le cerveau ne serait pas un organisme de contrôle mais un simple relais des sens vers les muscles.

Dans le même ordre d'idées, Loeb pensait que les animaux ne se conduisaient pas différemment que les plantes, réagissant positivement ou négativement à des stimuli extérieurs : il crée les termes encore en usage aujourd'hui, de "tropismes" (mouvements d'orientations en gal) et de "taxies" (mouvements d'orientation en réaction à un facteur physique).

L'insuffisance de cette explication du comportement anima, concède à ce dernier une possibilité "d'essais et d'erreurs" en vue d'accomplir une action qu'on lui propose dans des conditions expérimentales de laboratoire. On arrive en parallèle à la certitude d'interconnections complexes, cycliques, entre les états de motivation. On découvre les décharges nerveuses spontanées au sein du système nerveux…ce qui égratigne définitivement la théorie des "taxies".

Le développement des expériences fondées sur cette hypothèse fonde la mode de la recherche animale en laboratoire (Pavlov :le réflexe conditionné Thorndike). Watson, qui débute par l'observation d'animaux et continue sur des enfants humains, fonde le behavourisme. Il est suivi par Skinner, qui développe l'étude de l'apprentissage par conditionnement, par renforcement positif ou négatif : en étendant ses recherches à l'homme, il découvre le rôle primordial de l'argent dans le renforcement.

Enfin, arrive Konrad Lorenz, qui, loin des laboratoires, vit entouré d'animaux (lorsqu'il aura lui-même un fils, il le mettra en cage pour le protéger de ses félins). Konrad Lorenz dira, à propos des behavouristes :

L'école behavouriste a fourni un travail très intéressant…….en réalité, ce que nous reprochons aux behavouristes n'est pas ce qu'ils font, mais ce qu'ils ne font pas…..aux béhavouristes orthodoxes américains, qui essaient sérieusement d'exclure de leurs méthodes toute observation directe de l'animal, ainsi qu'à d'autres gens "sans yeux", mais doués d'intelligence, c'est une noble tâche que de prouver ce que nous avons vu, de telle façon qu'ils doivent le croire…;et que tout un chacun doive le croire…

L’éthologie, dans sa vocation d’étude comparative des comportements observés dans le milieu naturel de l'animal, a vu le jour.